Je suis né artificier parce que la première de mes images a été celle d’un feu d’artifice. Je n’ai jamais cherché à savoir si cette vision correspondait à une fête ou à une guerre, mais c’est sous cette influence que j’ai fait mes premiers graffitis. Quand je suis entré au jardin d’enfants j’ai commencé à faire des dessins plus figuratifs, parfois même en perspective. Plus tard, quand j’ai quitté la citadelle des beaux-arts, tous les plâtres étaient brisés et les tables rasées de la figuration ; je n’ai pas eu le temps de l’abstraction que j’étais déjà né forgeron.
Je suis né forgeron ce qui est un peu la même chose que de naître artificier, à la différence de la densité. Il suffirait de renverser vers la terre l’image que l’on a du ciel pour annuler le poids du fer et l’effort qu’il exige. J’ai appris à forger au moment où les nouvelles technologies ont éclatées d’inventions, mais j’ai préféré ouvrir mes chaines d’acier pour épuiser la musique du marteau sur l’enclume. Plus tard, comme un repos, je me suis allongé dans un rayon laser pour écouter l’écho que faisait cette musique. C’est comme ça que je suis né sculpteur.
Je suis né sculpteur, aimanté par la résonance magnétique qui s’est produite dans la nuit blanche du scanner, pendant mon sommeil. La tête s’est détachée du corps, ce qui a permis au cerveau de s’affranchir du poids et de pénétrer dans les miroirs. Mais quand j’ai commencé à polir du marbre pour construire des anamorphoses, avec de l’optique et de la précision, je n’étais plus tout à fait ni dans ce métier ni à la même place qu’au début.
La lumière change en permanence et on ne peut plus compter sur sa vue pour fixer ce que l’œil voit. C’est pour cette raison que né de la cécité, je découpe aujourd’hui des moucharabiehs dans des tôles de fer qui deviennent des mémoires perforées, et que je serre de nouvelles mains qui sont celles de l’alter ego, né bûcheron en mer de Chine, sur une plateforme pétrolière.